Quels furent les débuts da la fameuse "Kirchenbaufrage" qui suscita tant d'émotions et de rivalités, qui provoqua tant de séances houleuses des conseils communaux et un volumineux échange de dépêches entres les différentes autorités civiles et religieuses et qui vit naître, auprès de la population, une persévérance telle qu'on compte une bonne soixantaine de pétitions et de démarches auprès des autorités compétentes?
Le comte Fr.-Matthias von Spee (30.3.1852 - 30.12.1892) fut introduit dans notre diocèse par l'abbé Dominique Hengesch (+ 8.7.1899), aumônier des soeurs Dominicaines de Limpertsberg et professeur au séminaire. Deux soeurs von Spee, Maria et Franziska, entrèrent en 1883 et 1884 comme religieuses dans le couvent des Dominicaines.
Le 5.7.1883, quelques jours avant son ordination sacerdotale à Eichstätt, M. von Spee acquit, sur le conseil de M. Dominica Clara Moes, l'ancien couvent des Dominicaines à Mariental dont il fit restaurer les bâtiments dans le dessein d'y établir un couvent de Pères Dominicains. Les annuaires officiels des prêtres du diocèse des années 1886 à 1888 signalent M. von Spee habitant au Mariental.
Quatre Dominicains de la province autrichienne vinrent l'y rejoindre le 24.2.1885 avec leur Prieur Albert Maria Weiss et le luxembourgeois Jean Maurus Kaiser. Von Spee dut bientôt interrompre son noviciat pour des raisons de santé.
Au courant de cette année, les Dominicains projettent de s'établir au quartier de la Gare - en plein épanouissement - plutôt que de rester au Mariental. Ils acquièrent, aux environs de l'actuelle Place de Paris, des terrains d'une superficie d'environ 9.000 m2 pour la somme de 20.000 fr.
Connaissant bien la générosité de la famille von Spee, mais aussi les intentions du comte et de ses confrères, quelques personnes de Luxembourg demandent, le 19.10.1885, à von Spee de bien vouloir construire une église dans le quartier de la Gare. Quinze jours plus tard, von Spee adresse une lettre au Président du Gouvernement Edouard Thilges, en le priant de lui céder un terrain, "welcher Raum bietet für Kirche, Priesterhaus und Garten. Das von mir gewählte Terrain (liegt) an derselben Stelle, welche die Regierung zum Zweck des Kirchenbaues in Aussicht genommen hatte". D'après les précisions de J.P. Koltz, il s'agit bien de l'emplacement actuel de l'église, donc dans les environs immédiats des terrains appartenant aux Dominicains. Il est également intéressant de noter que, dès avant 1885, l'on avait envisagé cet emplacement pour l'église de la Gare.
Cependant la réponse du Ministre d'Etat est négative. Le Gouvernement craint la fondation d'un grand couvent - ce qui aurait été en opposition avec l'art. 26 de la Constitution, du moins selon interprétation donnée par ce Gouvernement-là à l'article en question. En effet, le comte von Spee ne parle pas de "presbytère", mais de "maison de prêtres". D'ailleurs, un article de presse, paru à l'occasion du décès von Spee, rappelle l'intention qu'il aurait eue en 1886 de construire au quartier de la Gare un "couvent assez grand avec une église".
Alors les Dominicains font construire dans la rue Sigefroi (actuellement rue Origer) une maison pouvant loger 12 à 15 personnes et abritant une chapelle provisoire. Ils y emménageront en 1887 et habiteront cette maison qui deviendra plus tard propriété de l'Imprimerie St-Paul.
C'est dans cette maison que l'abbé Berbard Haal, curé-doyen de la praoisse St-Michel (dont dépendait cette partie du quartier de la Gare), bénit le 1er octobre 1887 la chapelle et la dédie à Notre-Dame du Rosaire "Rosenkranzkapelle". Pendant la cérémonie, il donne lecture d'un décret rétablissant à cet endroit l'ancienne communauté des Frères Prêcheurs de St-Michel.
"Diese Kapelle war nur provisorisch eingerichtet. (Die Dominikaner) bewohnten einstweilen ein Privathaus, in welchem sie aus einigen Zimmern eine Kapelle herrichteten, die kaum die Menge der Leute fassen konnte". La chapelle, d'une superficie de 114 m2, pouvait contenir un peu plus de 200 personnes. Le P. Alanus Wallnoefer en fut le premier vicaire.
L'autel renaissance, acheté par M. Barthel, fut décoré par un tableau de la Vierge du Rosaire de Kuschman, commandé par l'évêque (ce tableau se trouve actuellement au Home du Sacré-Coeur). Une cloche de 175 kg, portant sous l'effigie de la Vierge l'inscription "Regina Sacritissimi Rosarii, ora pro nobis", devait avoir un timbre particulièrement pur (fa). Deux demoiselles généreuses avaient offert un petit Chemin de Croix, créé par Klein. Deux messes y furent célébrées quotidiennement, l'une à 5h, l'autre, la messe conventuelle, à 7h30; le chapelet était récité à 18h.
Les Dominicains desservirent la chapelle du Rosaire jusqu'à la Toussaint 1892; ils furent rappelés en Autriche pour deux raison: ils n'avaient pu construire ni couvent ni église, et ils n'avaient guère de novices. Le 14.1.1893 l'évêque J.-J. Koppes racheta le "couvent" des Dominicains. On lit, dans les Chroniques du Carmel: "Im Jahr 1892 wurde zu unserem größten Bedauern die Genossenschaft der Dominikaner in unserer Nachbarschaft aufgelöst. Sie waren schon 7 Jahren in Luxemburg, bekamen außer R.P. Maurus Kaiser, früher Kaplan in Stadtgrund, gar keinen Zuwachs. Das Arbeitsfeld am Bahnhof war zwar groß genug, aber da die bescheidene Niederlassung sich in keiner Weise entwickelte, so zog der R. P. General die Patres einen nach dem anderen zurück".
Une lettre des habitants à l'évêque, le suppliant d'intervenir auprès du P. Général afin qu'il révoque sa décision, ne servit à rien.
Ajoutons encore quelques précisions:
Un plan du quartier, daté de 1894, projette une grande église dans le "Jardin des Dominicains" (Place de Paris); en 1900, les Dominicains ont fait vendre environ 2.000 m2 de leurs propriétés; le 7.3.1902, 6.385 m2 sont vendus à M. Nic. Glesener-Löwen pour la somme de 242.000 francs.
Sources: Archives de la paroisse du Sacré-Coeur; Jean Malget, in: Heimat und Mission 11/12 1981 - 11/12/1986; souvenirs de Félix Bernard
Oeuvres de la Paroisse du Sacré-Coeur, a.s.b.l.
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9 juillet 2009