Restauration et rénovation de notre église (3)

Suite à la présentation de l'église du Sacré-Cœur à Luxembourg-Gare par son architecte Nicolas Petit (voir bulletin n° 2 du 30.5.2008) , voici des extraits de l'article de Léon Lommel, professeur d'art sacré au Grand Séminaire, publié au "Luxemburger Wort" du 23 décembre 1932, le jour-même de la première messe (Mgr Lommel était évêque de Luxembourg de 1956 à 1971):

Quiconque a pu, en ces temps derniers, considérer de façon non prévenue l'aspect extérieur de la ville de Luxembourg a dû avouer que du point de vue architectural il manquait jusqu'ici au quartier de notre ville le plus moderne et le plus riche le finissage urbanistique nécessaire et pour ainsi dire le couronnement, c'est-à-dire une église. Une église paroissiale conforme au nombre de la population et correspondant dignement à la vie individuelle très marquée de ce si florissant quartier. La construction de ce monument tant souhaité depuis des dizaines d'années compta sans nul doute parmi les nécessités les plus séduisantes du point de vue architectural de notre ville.

Il y a trois ans (donc en 1929), le Conseil Communal confia alors le projet et l'exécution au service de l'architecte de la ville, sous la direction de l'architecte-directeur, M. Nicolas Petit. Le travail terminé, on peut considérer comme un concours de circonstances extrêmement heureux le fait que l'importante et considérable construction ait pu être achevée en un seul jet.

Une ligne pure et noble

Pour qu'une oeuvre d'art soit vraiment belle et nous émeuve, il faut qu'elle remplisse avant tout une condition: celle de l'harmonie absolue.

De nos jours précisément, alors que faisant de nécessité vertu, nous ne pouvons que soigner la ligne pure et noble il importe avant tout de bien examiner les proportions et d'exécuter les travaux de la façon la plus consciencieuse. L'église répond à ces deux exigences fondamentales. À l'architecture élégante et bien étudiée correspond le fini exemplaire de l'exécution technique.

Ceux qui pourraient ne pas apprécier la simplicité sévère de cette architecture, devraient toutefois convenir d'une stylistique parfaitement réussie, conférant au monument une intense vie intérieure et caractérisant dûment le but auquel il avait été destiné. N'avait-on pas précisément envisagé une église du Christ, puissante, virile, solide, en face de la ville ancienne avec sa cathédrale aux tours élancées, une église du Christ en opposition justement à l'élégante et gracieuse église mariale? Le large et massif clocher, devenu le symbole dominateur du nouveau quartier bordant la vallée de la Pétrusse est à l'image de l'invisible puissance du Christ-Roi et correspond également aux tours défensives de notre quasi imprenable forteresse. Imposante aussi la charpente ininterrompue de la nef centrale, affirmant la longueur de l'église, même vis-à-vis de la lourde toiture du palais de l'Arbed.

En général l'architecture extérieure est d'une grande simplicité et d'une sobriété toute voulue. Seuls les trois portails se distinguent par leur architecture vigoureuse et la richesse de leurs ornements à la fois somptueux et élégants.

L'intérieur

L'intérieur réserve une surprise: sa grandeur et sa majesté dépassent de loin ce que la sobriété extérieure fait attendre au visiteur. L'espace intérieur, moderne dans le meilleur sens du mot, tout en respectant la tradition, se rapproche de l'idéal spatial de la basilique pré-moyenâgeuse: triple nef , transept et plafond plat avec poutres en bois foncé, richement orné de peintures.

L'un des mérites de l'architecte-directeur est sans nul doute d'avoir à dessein abandonné la monotone et prosaïque esquisse d'un lieu unitaire, ceci non seulement dans le but d'une meilleure acoustique, mais aussi pour des raisons de bon goût et d'élégance.

Encore de nos jours, le style basilical, avec sa nef principale généreuse et ses nefs latérales proportionnées demeure la structure la plus pratique d'une église, tant pour les visiteurs que pour les cérémonies cultuelles et processionnales de la communauté - à condition qu'elles présentent des dimensions harmonieuses.

Les avantages artistiques d'une telle disposition basilicale, à savoir le beau compartimentage du volume, des détails de valeur artistique, une luminosité tranquille et reposante - tous ces avantages appréciables se font ressentir de façon absolument agréable dans la nouvelle église.

L'ornementation intérieure relativement riche est devenue pour ainsi dire évidente grâce au merveilleux accord - rare, il est vrai - , trouvé d'avance et préparé en commun par l'architecte Petit et le professeur Linnemann de Francfort.

Pour la concordance des couleurs on se référa avant tout aux poutres de la voûte en bois. Par opposition aux murs de la nef principale blanchis à la chaux, c'est à dessein que des couleurs sombres furent choisies: rouge, noir, or et argent. Les poutres centrales sont noir, celles plus légères sont d'un ton rouge foncé. La partie centrale du plafond en poutres, légèrement surélevée, présente des panneaux gris aux monogrammes argentés, celle des côtés est sous forme de cassettes noires aux couronnes et trophées dorées.

L'effet solennel de l'intérieur est dû en grande partie à la somptuosité de ces couleurs ardentes de la voûte. Son caput mortuum rouge se retrouve dans les voûtes latérales assorties dans un doux ton rouge velours.

Pour accentuer l'effet de longueur de l'église (46 m) l'architecte a renoncé à l'effet liturgiquement beau et artistique d'un arc de triomphe séparant la nef du chœur. La charpente de la nef centrale se prolonge au-dessus du chœur, rehaussant ainsi énormément l'effet de puissance. En même temps elle entraîne ainsi de force le regard du visiteur vers le centre artistique de toute l'église: au mur du fond l'image du Christ, haute de dix mètres, dominant par sa grandeur et sa majesté le chœur et la nef.

Cette fresque monumentale - l'expression est permise, puisqu'elle atteint la superficie d'un ar - a été exécutée par le professeur Linnemann dans le délai d'un mois (le mois de septembre), avec une virtuosité sans pareille. Le Christ, Roi de Gloire, est représenté siégeant sur son trône éternel, avec la tiare et le sceptre, entouré d'une chape de pourpre royal, le globe terrestre comme escabeau, entouré du bruissement doré des ailes des chérubins célébrant le Tois-fois-Saint. Le Rédempteur domine l'espace, il semble s'approcher à partir de distances éternelles. Sa poitrine est ornée du cœur rouge flamboyant.

Les deux fresques du transept présentent une admirable fraîcheur et s'incorporent merveilleusement à l'intérieur de bâtiment: à droite, l'adoration des trois rois-mages, s'élevant au-dessus de l'arbre généalogique du Christ, artistiquement agencé; à gauche, une multitude d'anges célébrant d'une même liesse le couronnement de la Vierge

L'impression de l'intérieur la plus splendide est due à l'effet de la lumière. La lumière est pour ainsi dire l'âme de l'espace. Tout architecte consciencieux étudiera avec attention le problème de la lumière. Il veillera d'une part à ce que l'intérieur garde cette mystérieuse tranquillité et cette intimité absolument nécessaires à l'atmosphère sacrée ; d'autre part il devra laisser pénétrer un minimum de lumière permettant de lire aisément un livre de prière. Cette double exigence est remplie de façon idéale par la haute lumière latérale. C'est la raison pour laquelle les vitraux de la nef principale ne sont que légèrement décorés, tandis que les vitraux des nefs latérales reproduisent admirablement ce bleu mystérieux évoquant le "bleu de Chartres" qui continue à séduire par son charme indescriptible et inégalable.

Ces vitraux latéraux représentent un cycle complet du Sacré-Coeur de Jésus: avec les vitraux des portails et des chapelles latérales ils figurent parmi les vitraux les plus beaux et les plus précieux du pays: ils deviennent de façon idéale ce que le vitrail devrait être: la lumière multicolore du soleil.

L'intérieur de la nouvelle église est incontestablement une oeuvre noble de bon goût et une pleine réussite du point de vue artistique. Son principal attrait consiste dans le fait que toutes les lignes convergent vers le chœur large et majestueux, lequel, par la chaude coloration brun-or de son revêtement en travertin, constitue un cadre incomparable pour le maître-autel en marbre noir foncé, garni d'anges et de chandeliers en bronze argenté.

Les annales paroissiales retiendront en lettre d'or le fait respectable que la décoration intérieure intégrale a été rendue possible par les contributions de tant de donateurs anonymes de toutes les couches de la jeunes paroisse.

Léon Lommel

(Traduction: T.H.-N.)

Oeuvres de la Paroisse du Sacré-Coeur, a.s.b.l.
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21 juin 2008